Clics 40 |
De ma grande amie
Dedans Paris, ville jolie, Un jour passant mélancolie, Je pris alliance nouvelle A la plus gaie des damoiselles Qui soit d’ici à l’Italie.
D’honnêteté elle est saisie, et crois selon ma fantaisie, Qu’il n’en est guère plus belle
qu’elle, Dedans Paris.
Je ne la nommerais ma mie, Sinon que c’est ma grand amie ; Car l’alliance se fit telle Par un doux baiser que j’eus d’elle, Sans penser aucune infamie.
Dedans Paris.
Clément Marot
Quatre beaux enfants que j’eu d’elle Ont fait courir la ritournelle.
Les ans s'envolèrent à tire d'aile,
Elle n’en fut encor que plus belle,
et notre amour infini
Dedans Paris.
Robert, 2006/2011
| |
Green
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous. Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches Et qu’à vos yeux si beaux l’humble présent soit doux.
J’arrive tout couvert encore de rosée Que le vent du matin vient glacer sur mon front. Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée Rêve des chers instants qui la délasseront.
Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête Toute sonore encor de vos derniers baisers ; Laissez-la s’apaiser de la bonne tempête, Et que je dorme un peu puisque vous reposez.
Paul Verlaine
(1844-1896) |
Mon Rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime, Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon cœur, transparent Pour elle seule, hélas! cesse d’être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse?—Je l’ignore. Son nom? Je me souviens qu’il est doux et sonore Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues, Et pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a L’inflexion des voix chères qui se sont tues.
Paul Verlaine |
|
Quand au temple nous serons
Quand au temple nous serons Agenouillés, nous ferons Les dévots selon la guise De ceux qui pour louer Dieu Humbles se courbent au lieu Le plus secret de l'église.
Mais quand au lit nous serons Entrelacés, nous ferons Les lascifs selon les guises Des amants qui librement Pratiquent folâtrement Dans les draps cent mignardises.
Pourquoi donque, quand je veux Ou mordre tes beaux cheveux, Ou baiser ta bouche aimée, Ou toucher à ton beau sein, Contrefais-tu la nonnain Dedans un cloître enfermée ?
Pour qui gardes-tu tes yeux Et ton sein délicieux, Ta joue et ta bouche belle ? En veux-tu baiser Pluton Là-bas, après que Charon T'aura mise en sa nacelle ?
Après ton dernier trépas, Grêle, tu n'auras là-bas Qu'une bouchette blêmie ; Et quand mort, je te verrais Aux Ombres je n'avouerais Que jadis tu fus m'amie.
Ton test n'aura plus de peau, Ni ton visage si beau N'aura veines ni artères : Tu n'auras plus que les dents Telles qu'on les voit dedans Les têtes des cimeteres.
Donque, tandis que tu vis, Change, maîtresse, d'avis, Et ne m'épargne ta bouche : Incontinent tu mourras, Lors tu te repentiras De m'avoir été farouche.
Ah, je meurs ! Ah, baise-moi ! Ah, maîtresse, approche-toi ! Tu fuis comme faon qui tremble. Au moins souffre que ma main S'ébatte un peu dans ton sein, Ou plus bas, si bon te semble.
Pierre de RONSARD
Repris en chansons par Guy Béart | |
Sonnet pour Hélène
Le soir qu'Amour vous fit en la salle descendre
Le soir qu'Amour vous fit en la salle descendre Pour danser d'artifice un beau ballet d'amour, Vos yeux, bien qu'il fût nuit, ramenèrent le jour, Tant ils surent d'éclairs par la place répandre.
Le ballet fut divin, qui se soulait reprendre, Se rompre, se refaire, et tour dessus retour Se mêler, s'écarter, se tourner à l'entour, Contre-imitant le cours du fleuve de Méandre.
Ores il était rond, ores long, or étroit, Or en pointe, en triangle en la façon qu'on voit L'escadron de la grue évitant la froidure.
Je faux, tu ne dansais, mais ton pied voletait Sur le haut de la terre ; aussi ton corps s'était Transformé pour ce soir en divine nature.
Pierre de RONSARD
(1524-1585) |
Sonnet pour Hélène
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise aupres du feu, devidant et filant, Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant : Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle
.
Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle, Desja sous le labeur à demy sommeillant, Qui au bruit de mon nom ne s'aille resveillant, Benissant vostre nom de louange immortelle.
Je seray sous la terre et fantaume sans os : Par les ombres myrteux je prendray mon repos : Vous serez au fouyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et vostre fier desdain. Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : Cueillez dés aujourd'huy les roses de la vie.
Pierre de RONSARD
(1524-1585) | |
|
|
|
|
|
|
Total des visiteurs : 584719
dont aujourd'hui : 26 En ligne actuellement : 2 Total des clics 1143835
|